Auteur : Rodrigue S. CHAOU,
Directeur général du Budget/Bénin
La gestion des finances publiques au Bénin est principalement sous l’influence de quatre (04) facteurs :
- Les directives communautaires de l’UEMOA inspirées du modèle français, celles de la génération 2009 ainsi que les décisions qui en ont découlé ;
- Les recommandations issues des différentes missions d’évaluation au Bénin (FMI- AFRITAC- CPIA-PIMA-C-PIMA-CABRI-GIFT-Évaluation de la transparence budgétaire selon la méthodologie FTE, etc.) ;
- La transformation numérique de l’administration publique considérée par le Gouvernement comme un pilier stratégique de son action ;
- L’incitation permanente au développement de l’expertise au sein de l’administration financière.
Cet article ne vise pas à rappeler les généralités de la procédure budgétaire, mais à mettre en lumière les spécificités dans la démarche adoptée par l’administration béninoise en matière de budgétisation axée sur la performance.
Une démarche structurée de budgétisation
La démarche d’allocation des crédits budgétaires repose principalement sur deux éléments fondamentaux :
L’analyse de la pertinence des indicateurs et de la cohérence des actions/activités à inscrire au budget pluriannuel en cohérence avec les orientations stratégiques et opérationnelles.
A cet effet, à l’occasion de la conférence de performance, importante étape du dialogue budgétaire, les ministères sectoriels éditent deux référentiels à partir du Système Intégré de Gestion des Finances Publiques (SIGFP) : (i) le cadre de performance qui établit la première mouture de la liste des objectifs et des indicateurs à examiner et (ii) le référentiel programmatique constitué des programmes budgétaires ainsi que des éléments qui en découlent (actions puis activités). A cette étape, la Direction générale du Budget (DGB) et les sectoriels testent la stabilité du cadre de performance en appréciant s’il convient de maintenir ou non certains indicateurs au regard de certaines contraintes ou évolutions envisagées dans le cadre d’un meilleur pilotage des politiques publiques. Depuis deux (02) ans, un effort particulier est consacré à l’intégration des dimensions genre et changement climatique dans tous les cadres de performance. A cet effet, avec l’appui financier de l’Union européenne et d’autres institutions, des indicateurs genrés sont en cours de mise en place par l’Institut national des Statistiques et de la Démographie (INStaD) à l’effet de faciliter la revue ou la reformulation de certains objectifs spécifiques et les indicateurs associés.
Le costing des actions et activités
Les actions et activités retenues à l’issue de la conférence de performance sont validées par note du Directeur général du Budget, puis publiées. Pour l’évaluation des coûts financiers des activités, le Bénin a mis en place un outil de prévision dénommé « SYCOREF » élaboré à partir du répertoire des prix de référence et mis à jour chaque année. Cet outil prépare les données financières brutes qui servent par la suite d’éléments de discussion dans le cadre de la conférence de budgétisation. A cette occasion, un dialogue est engagé par les services de la Direction générale du Budget avec les sectoriels pour faire la revue analytique des déterminants physiques et financiers qui justifient les données financières brutes provenant de SYCOREF.
Exemple : L’activité « Audits financiers des collectivités territoriales décentralisées » illustre bien l’approche méthodique adoptée en matière de budgétisation axée sur la performance. Étant donné sa nature, elle ne peut être réalisée efficacement que sous forme de mission.
Dans ce cadre, le gestionnaire de crédits, sous la coordination du Responsable de programme « 040 – Gouvernance et développement à la base » du Ministère de la Décentralisation et de la Gouvernance Locale, détermine le nombre d’auditeurs et de personnes d’appui nécessaires. Il élabore ensuite la fiche de financement en s’appuyant sur les éléments de coût répertoriés dans l’outil SYCOREF.
Les données financières ainsi générées font ensuite l’objet de discussions entre la Direction générale du Budget (DGB) et le ministère concerné. Deux aspects majeurs sont examinés :
- L’approche de mise en œuvre de l’activité
- Faut-il réaliser ces audits chaque année ou une périodicité biennale serait-elle plus pertinente ?
- Pourquoi certaines recommandations restent-elles récurrentes d’une année à l’autre ?
- Dans quelle mesure les recommandations des audits précédents ont-elles été prises en compte ?
- Le nombre d’auditeurs prévu est-il justifié ? Par exemple, est-il nécessaire d’affecter 5 auditeurs par département, ou une équipe réduite de 2 à 3 personnes suffirait-elle ?
- Quel est le contenu du cahier des charges de chaque auditeur ?
- Peut-on dérouler une partie de l’audit en ligne (collecte des données par exemple) et poursuivre le reste du travail sous forme de mission (pour réduire et optimiser le nombre de jours de mission) ?
- Etc.
- La validation des coûts financiers
- Les coûts unitaires estimés sont-ils en adéquation avec les expériences passées et les données historiques ?
- Pour les prestations ne figurant pas dans le répertoire de référence, un processus d’homologation par le contrôleur financier est systématiquement appliqué et les données communiquées aux services de la Direction générale du Budget.
L’examen rigoureux de ces paramètres permet d’optimiser les ressources budgétaires tout en garantissant une exécution efficiente des dépenses.Difficultés : le SYCOREF n’est pas interfacé avec le SIGFP impliquant la ressaisie des données de SYCOREF dans le SIGFP. Le Gouvernement a donc pris la décision cette année d’assurer que les deux bases de données soient conçues dans le même environnement et de procéder à leur interopérabilité pour servir à l’élaboration des budgets à venir. Par ailleurs, le processus de nomination et d’exercice des spécialistes des Unités d’Appui aux Programmes (UAP) doit être réglementé pour une meilleure coordination de la BAP au niveau sectoriel.
Autres dispositifs d’affinement des coûts financiers
- Utilisation du module P7 de SIGFP qui constitue un levier pour le dialogue budgétaire dans la programmation des matières (comptabilité des matières) ;
- Dans le domaine des grands travaux, outre l’obligation d’élaborer et de publier les rapports d’évaluation ou d’étude de faisabilité des projets avant leur inscription dans le portefeuille d’investissement public, le Gouvernement a rendu également obligatoires, les missions d’œuvre dans l’exécution de tous les projets. Ainsi, avec les données historiques, de chaque secteur, la DGB a réussi à cadrer le coût du ratio (mission d’œuvre sur coût d’objectif des travaux). La réussite de cet exercice permet non seulement de disposer d’un référentiel des coûts de mission d’œuvre qui représente une masse importante du PIP mais aussi de réaliser d’importants gains d’efficience sur les investissements réalisés.
Allocation budgétaire finale : un processus de priorisation structuré
Le calibrage budgétaire global, établi à l’issue des différentes phases d’évaluation de la performance et de budgétisation des activités, suit une approche verticale de priorisation à trois niveaux :
- 1ère priorité : les chantiers et projets en cours ;
- 2ème priorité : les nouveaux chantiers éligibles pour la première fois au budget pluriannuel et dont les financements sont bouclés ;
- 3ème priorité : les autres activités d’investissement retenues pour intégrer la programmation triennale à partir de la 2ème année compte tenu des contraintes budgétaires et de l’enchaînement des projets à réaliser.
Toute cette démarche vise à garantir la viabilité budgétaire en assurant que la loi de finances dispose des ressources nécessaires pour couvrir les engagements souscrits. Spécifiquement, pour les investissements, l’administration béninoise dispose d’une base de données qui présente pour chaque projet, le coût global, les sources de financement, les données d’exécution antérieures, la programmation triennale soutenue par les hypothèses d’allocation et la structuration financière, garantissant une planification cohérente et réaliste.
Perspectives :
Dans une logique de budgétisation plus durable, le Bénin envisage d’intégrer les vulnérabilités climatiques dans la politique d’entretien des bâtiments et des infrastructures. Cette approche vise à renforcer la résilience du patrimoine public face aux défis environnementaux et à optimiser la gestion des investissements à long terme.